Regardons-nous On a pleuré on a crié on a tristesse on a vomi au fond des bois seule et apeurée on a appelé au secours quand la mort emportait ceux que nous aimions Regardons-nous car nous sommes fortes et grandes malgré l’amertume de la perte Nous avons trouvé la douceur Aujourd’hui je suis là devant vous. Je vous écris comme il pleut une pleine page de vie comme si le ciel était une page et mon corps, le stylo On meurt et pourtant, pour aussi éphémères qu’on soit, être sur terre est une splendeur. J’ai beaucoup de lumière en moi beaucoup de volume Et vous aussi. Je le vois je le sens Ouverture, ouverture, c’était plat, c’est devenu pluriel (à sa chienne) Tu es en terre et je suis sur terre J’ouvre mes bras en dormant désormais avant, je dormais-foetus renfrogné dans ma peur Maintenant mes nuits sont des vies dans lesquelles j’enfonce la vie même. Maintenant mes nuits sont des jours en puissance Et je respire Et je respire Et...
Quelques pattes poilues, un bec fermé mais qui parle encore, qui te chuchote ses dieux d’enfance, les syllabes poisseuses d’un père absent. Père qui emporte avec lui les bras nourriciers. Plus de bras pour te porter dans la maison. Les six seins de la mère suffiront. Ta mère l’animale qui gigote. Un cerf rigole entre les branches. Comme la pierre sous le sabot du cheval tu portes. Tu ris aussi un peu bien sur [rires]. L’oie blanche mais quand même un peu rouge, d’ailleurs, la rougeur d’une truffe abandonnée. Une queue de rat triple que tu es habituée à reconnaitre sous l’évier quand tu ouvres le placard pour jeter les noyaux du goûter. C’est la saison des prunes et la grenouille rouille. Je sais que vous pouvez voir et percevoir et entendre et toucher ma mort qui mord. Moi, je peux la chanter. Ma mort qui mord ma vie, ma mort qui mord ta vie. Une mort c’est jamais solitaire. Elle charrie avec elle la fin de l’espérance le monde qui n’a pas de diplôme de monde finir de croir...